L’expérience de l’itinérance
Le GR 54 est né en 1964. Il fait partie de la trilogie des sentiers de grandes randonnées des Alpes françaises avec le tour du Mont Blanc et le tour de la Vanoise. Le Parc National des Écrins est créé quelques années après en 1973.
L’idée de parcourir cet itinéraire de légende a mûri au printemps. Nous avions envie de découvrir de nouveaux massifs montagneux.
Le dévolu s’est jeté sur le GR54: pour son itinéraire mythique mais aussi pour son caractère sauvage et difficile.
Parcourir ces 184 kilomètres, ces 14 cols et 12800 mètres de dénivelé est apparu rapidement comme une évidence, une expérience qu’il fallait vivre.
La décision étant prise, nous devions réfléchir à l’organisation et à la logistique. Une chose était sûre; nous voulions parcourir cette grande randonnée (GR) avec un minimum d’assistance. Utiliser la tente plutôt que les refuges pour les nuits venait ajouter une certaine liberté à notre projet.
Pour étudier notre itinéraire nous nous sommes procurés le topo guide du Tour de l’ Oisans et des Écrins de la Fédération Française de la Randonnée; une aide qui nous a été très précieuse pour notre préparation.
5 août - Jour 1
De Bourg d’Oisans à Besse par le col de Sarenne
22 km , D+ 1500 m, D- 700 m
Une bonne mise en jambe
Enfin nous y sommes ! Départ, avec hâte, vers l’incontournable grande randonnée: le fameux GR54 ! Le tour des massifs de l’ Oisans et des Écrins au coeur du Parc national des Écrins. Décrit comme le plus sauvage des GR et sûrement l’un des plus difficiles d’Europe.
Il est 8 heures : dernière prise d’informations avant le départ. Nous contactons la maison du parc de l’ Oisans qui nous confirme que les faces nord des cols ne sont plus enneigées. Certains passages à la limite de la haute montagne évoluent en terrain délicat et la présence de neige peut les rendre dangereux. Pas d’autres difficultés dues à la saison ne sont signalées (crue de torrent, éboulement..)
Nous quittons Bourg d’ Oisans en direction de l’Alpe d’Huez. Après avoir traversé la forêt de Maronne, nous traversons trois jolis petits hameaux: le Châtelard, Maronne et le Rosay. Nous profitons des fontaines présentes dans les villages pour remplir nos gourdes car il fait très chaud.
À 14h30, nous franchissons, sous l’orage, le col de Sarenne (1999 m). L’aventure a bien commencé! Complètement trempés et pris sous les grêlons; nous échangeons un regard rieur, voulant dire que nous avons manqué d’efficacité pour nous équiper rapidement contre la pluie. Nos sacs sont censés résister aux intempéries mais se munir d’une housse de protection est fort utile pour limiter le temps de séchage. En itinérance, il est important d’optimiser les sacs à dos. Car l’idée n’est pas seulement de tout caser à l’intérieur, il faut aussi que le poids soit bien équilibré et le matériel facilement accessible. Nous attaquons ensuite la descente sur Clavans-le-Haut et Clavans-le-Bas pour remonter sur le joli petit village de Besse situé à 1564 m d’altitude que nous atteignons vers 17h, toujours sous la pluie. Nous nous arrêtons là pour aujourd’hui; continuer jusqu’au Plateau d’Emparis ne serait pas raisonnable par ce temps.
Notre point d’arrivée en fin de journée devient notre point de chute pour la nuit et le point de départ de la randonnée du jour suivant; soit le principe même de l’itinérance. On ne repasse donc pas par un chemin déjà emprunté; cela demande un certain calcul logistique afin de garder un minimum de confort (eau potable, repas chauds, vêtements propres et secs).
6 août - Jour 2
Besse-en-Oisans - Plateau d’Emparis - Le Chazelet - La Grave - Villar-d’Arène - Pont d’Arsine - pas d’Anna Falque
24 km, D+ 1500 m, D- 1350 m
Notre première nuit s’est bien passée. Notre tente, facile à monter, a parfaitement résisté à la pluie. Départ matinal en direction du Plateau d’Emparis, tant attendu. Une première montée et nous voilà au col Nazié (1902 m). Des orages sont encore annoncés pour aujourd’hui: cela nous pousse donc à avancer. C’est en arrivant au chalet Josserand à 2245 m d’altitude que nous découvrons cette merveilleuse vue. Les alpages sont vastes. Nous continuons en direction du col du Souchet (2365 m). Nous sommes là sur le plateau tant espéré, le temps est magnifique. La vue sur la reine Meije (point culminant à 3983 m) et le Râteau est incroyable. Les moutons, tranquilles, profitent de l’herbe fraîche et abondante. Pas de patou à l’horizon.
La descente sud-est vers le village du Chazelet se fait sous la chaleur. Arrivés au village, nous profitons avec empressement d’une fontaine pour nous rafraichir.
Nous passons par les Terrasses puis la Grave où nous avions prévu de nous ravitailler en nourriture pour ce midi, ce soir et demain. Le GR a l’avantage de passer au sein de hameaux ou villages tous les deux jours; nous permettant de varier notre alimentation et surtout de limiter le poids de nos sacs à dos (nous portons des sacs de 16 kg en moyenne pour moi et 18 kg pour Quentin qui a tout le matériel photo)
Petite pause du midi au bord de la Romanche. Nous en profitons pour faire sécher la tente mais on ne s’y éternise pas. Nous remontons ensuite en direction de Villar-d’Arène puis continuons jusqu’à Arsine. L’objectif du jour est atteint vers 17h. Cela fait près de dix heures que nous marchons et nous n’avons qu’une hâte, celle de pouvoir installer notre tente pour récupérer de cette longue journée mais l’orage et la pluie nous obligeront à attendre 19h. Ce soir, nous sommes bien fatigués.
7 août - Jour 3
Arsine - col d’Arsine - Le Casset - Monêtier-les-Bains
16 km, D+ 743 m, D- 950 m
Nous partons du pas d’Anna Falque (env 1660 m) en direction du col d’Arsine. D’un côté, l’imposant Pic ouest de Combeynot et de l’autre le Pic Gaspard et la Meije. Ce matin, nos jambes sont lourdes et la montée au col se fait plus lente. Une partie de nos affaires n’ayant pas séché, les sacs semblent plus lourds que les autres matins. Quelques 500 mètres de dénivelé plus haut et nous arrivons près du refuge de l’Alpe de Villar-d’Arène; cet endroit est incroyable par la vue et la sérénité qu’il s’y dégage. Arrivés assez tôt au col d’Arsine à 2340 m d’altitude, nous choisissons d’y faire une pause. Le lieu est merveilleux. Nous arrivons à faire sécher l’intégralité de nos affaires. La descente en direction du Casset se fera à travers des pierrailles et des gros blocs de rochers. Nous passons par une série de jolis petits lacs. Plus bas, le hameau du Casset (situé à l’altitude de 1512m) présente une architecture traditionnelle; les maisons sont serrées les unes contre les autres pour résister aux longs hivers. On imagine ce qu’était autrefois la vie à la montagne.
Arrivés en début d’après-midi à Monêtier-les-Bains, nous faisons une halte pour nous ravitailler en nourriture pour la soirée et la journée de demain. Nous n’irons pas plus loin aujourd’hui et voulons profiter de cette fin d’après-midi et de la soirée au sec. C’est le long de la Guisane (rivière qui prend sa source au col du Lautaret) que nous choisissons d’installer notre tente. La rivière à proximité, nous pouvons nous y rafraîchir et laver quelques affaires.
8 août - Jour 4
Monêtier-les-Bains - col de l’Eychauda - Chambran - Vallouise - Camping du pont des Places
25 km, D+ 1150m , D- 1350m
Au coeur du Parc national des Écrins
Nous sommes de plus en plus efficaces pour ranger nos affaires le matin et faire nos sacs. Il fait encore frais lorsque nous quittons la vallée de la Guisane (plus connue sous le nom de Serre Chevalier). Nous attaquons la montée dans la forêt de mélèzes puis arrivons sur les alpages aménagés des remontées mécaniques de la station de Monêtier-les-Bains. Un dernier télésiège à longer et arrivons au col de l’Eychauda (2425m) qui vient nous offrir une vue incroyable sur le vallon de Chambran. Nous ne tardons pas au col et décidons d’attaquer rapidement la descente afin d’avancer le plus loin possible en vue de la journée de demain et des conditions météos qui ne s’annoncent pas favorables (c’est une semaine marquée par les orages et il faut composer avec).
La descente est longue. Il n’est pas loin de midi lorsque nous arrivons à Chambran. Comme un rituel qui s’est instauré nous faisons sécher la tente et nos affaires encore humides.
Nous continuons la descente. Les kilomètres sur les portions de route sous la chaleur ne sont pas faciles. Fatigués, nous avons fait plusieurs pauses.
Ça y est! Nous y sommes! Vallouise est un magnifique village de montagne, situé à 1200 m d’altitude, d’architecture traditionnelle mêlant le bois et la pierre. Renommé aussi pour son église médiévale classée, nous prenons le temps de faire ici quelques photos de cette ambiance pittoresque. Situé en bordure du parc national des Écrins, nous sommes impressionnés de nous trouver au pieds de sommets prestigieux tels le Pelvoux (3946 m), l’Ailefroide ou la Barre des Écrins (4101 m). Le massif des Écrins a cette particularité de pouvoir se parcourir qu’à pieds; un privilège sans doute qui le préserve de la sur fréquentation.
Nous décidons d’avancer encore sur le GR afin d’ attaquer le col de l’Aup-Martin le plus tôt possible demain. La maison de la montagne de Vallouise nous a confirmé l’important risque orageux. Cela ne nous arrange pas vraiment car ce col peut s’avérer plus délicat par temps de pluie.
Notre point de chute se fait quelques kilomètres après Vallouise au pont des Places dans un camping. Nous payons notre emplacement quelques euros et pouvons aussi profiter d’une douche; elle est froide mais c’est déjà le luxe tout comme le sachet de pâtes acheté un peu plus tôt qui fait notre bonheur ce soir. Fatigués mais heureux, il nous tarde d’être à demain.
9 août - Jour 5
Une journée sous la pluie et les orages
Camping pont des Places - Entre-les- Aygues - Col de l’Aup-Martin - refuge du Pré de la Chaumette
20 km, D+ 1700 m, D- 1050m
Notre départ à la frontale à 5h45 ce matin nous permet d’arriver à Entre-les-Aygues (1600 m) vers 8h30. C’est parfait. Nous sommes contents de notre avancée. Il est possible d’emprunter une navette pour rejoindre ce point. Même si la portion de route est longue nous tenions à faire la totalité du GR en marchant. Nous attaquons rapidement en direction du col de l’Aup-Martin: c’est le point culminant de ce GR avec ses 2761 mètres d’altitude. Le ciel se couvre déjà.
Nous passons la cabane du Jas-Lacroix. La pente commence à s’atténuer et arrivons vers l’altitude 2010 m au torrent de Chanteloube. Il est 10h. Il pleut. Cela ne nous rassure pas pour le passage du col qui nous semble encore plus impressionnant d’ici, avec un terrain très schisteux. Un instant, nous nous demandons si c’est sérieux de continuer avec les deux prochains cols à franchir car l’orage arrive, très menaçant. Après un instant de réflexion, nous nous motivons et suivons Emmanuelle et Philippe un couple de randonneurs rencontré le deuxième jour. Ils n’ont pas tellement le choix, ils sont obligés d’avancer car ils sont attendus en refuge et les changements de dernières minutes sur un GR peuvent vite devenir compliqués. Avec la tente c’est différent, nous sommes plus libres d’avancer comme nous le souhaitons. D’un rythme soutenu, nous passons les deux cols rapidement. Je commence à avoir froid aux mains mais impossible de trouver ma paire de gants dans le sac. J’utilise finalement une grosse paire de chaussettes pour protéger mes mains du froid. Les premiers coups de tonnerre se font entendre dans la descente. Nous arrivons juste à temps pour nous mettre à l’abri au refuge du pré de la Chaumette. Nous y faisons difficilement sécher nos affaires mais pouvons néanmoins profiter d’une table au chaud, d’un petit café et d’un temps de pause à discuter avec les autres randonneurs. Nous partageons un agréable moment avec Lucie, Pyer et Thomas: un trio croisé pour la première fois au col de l’Eychauda.
Vers 18h une accalmie nous offre la possibilité d’installer la tente un peu plus haut. Après un repas à l’abri devant le refuge (soupe lyophilisée et semoule) nous ne tardons pas à nous installer dans nos tentes.
10 août - Jour 6
refuge du Pré de la Chaumette - col de la Valette - col de Gouiran - col Vallonpierre - refuge Vallonpierre
Contournement du Sirac par 3 cols
11 km, D+ 1200m , D- 726 m
La nuit a été froide. Ce matin, nous décidons de partir rapidement pour nous réchauffer. Nous partons en direction de la Brèche en V du Sirac. La montée dans le vallon de la Pierre est agréable. Nous montons vers l’ouest en direction du col de la Valette; quelques myrtilles ramassées viennent compléter notre petit-déjeuner (abrégé ce matin en raison du froid ).
Arrivés au col de la Valette (2668m), nous profitons de ce court moment de répit pour prendre quelques photos.
La descente du col, quelque peu impressionnante, démarre en lacets raides dans des schistes noires. Nous restons très concentrés car le poids de nos sacs peut venir par moment nous déséquilibrer et la chute serait mauvaise. Je me moque par moment de ma démarche très hésitante. Je ne sais pas si c’est la fatigue, le poids de mon sac ou le manque d’apports énergétiques qui commence à me jouer des tours mais certains passages sont plus que laborieux pour moi.
Nouvelle montée ensuite pour atteindre le col de Gouiran ( 2716m). Les couleurs sont magnifiques, le schiste donne vraiment un côté unique à la montagne. La montée au dernier col de la journée (col de Vallonpierre altitude 2607 m) se fera, plus lente, sur un terrain aussi sombre fait de schiste et de marne. Nous apprécions la vue incroyable depuis ce col formant une arête qui relie le Sirac au Pic de Vallonpierre. Au sommet, nous discutons avec un duo de randonneurs venus faire le GR54 à l’envers.
Lors de la descente, nous nous arrêtons un moment devant un spectacle de marmottes. Une petite heure plus tard et nous voilà arrivés au lac de Vallonpierre bordé par son refuge éponyme. Nous sommes chanceux d’arriver au pied de ce sommet si majestueux: le Sirac. Sommet qui fait rêver beaucoup d’alpinistes.
Et comme si nous avions besoin d’un petit réconfort, nous nous laissons facilement tenter par le plat du jour proposé par le refuge; ce sera assiette de charcuterie pour Quentin et raviolis au fromage pour moi ;sans oublier l’incontournable tarte aux myrtilles. Les gardiens du refuge sont très gentils ce qui rend ce moment encore plus agréable.
Chaque bouchée paraît délicieuse. Il faut dire que depuis notre départ nous n’avons pas beaucoup varié notre alimentation.
Après ce vrai repas bien mérité, nous partons nous installer près d’un ruisseau; l’endroit est idéal pour rincer nos affaires, les faire sécher et s’offrir une sieste.
Le soir, nous installons la tente en hauteur du refuge et profitons d’un magnifique coucher de soleil sur le Sirac.
11 août - Jour 7
refuge de Vallonpierre - Cabane de Surette - le Casset - la Chapelle-en-Valgaudemar - Andrieux - Villar-Loubière - refuge des Souffles
23 km, D+ 1200 m , D- 1500 m
Le Valgaudemar : une vallée secrète et authentique .
Bien reposés et heureux d’avoir profité de ce magnifique endroit, nous attaquons une longue descente en direction de la Chapelle-en-Valgaudemar. Nous apprécions ces sentiers sauvages.
Un petit ravitaillement s’impose à la Chapelle-en-Valgaudemar, joli village de montagne. À partir des années 1930, la population de la vallée du Valgaudemar a vécu un éphémère âge d'or touristique grâce à la venue d’anglais, premiers explorateurs de ces grands sommets. Il y a eu jusqu'à une dizaine de guides. Cette vallée est située au centre du massif des Écrins. D’origine glaciaire, elle est entourée d’une série de sommets mythiques dépassant les 3000 mètres (Les Bans 3669m, Les Rouies 3589m, le pic de l’Olan 3564m). Une telle concentration de grandes faces ne laissent pas les alpinistes indifférents. En été, le Valgaudemar, « Himalaya français » pour Gaston Rébuffat, accueille de nombreux alpinistes et randonneurs.
Nous continuons ensuite en direction d’ Andrieux et de Villar-Loubière puis attaquons la montée vers le refuge des Souffles. Le sentier, raide et quelque peu escarpé, se fait au milieu des fleurs et des myrtilles sur un versant adret. Nous avons très chaud. On peut admirer une merveille géologique: des orgues verticales.
Arrivés vers 16h nous installons notre tente quelques mètres au dessus du refuge et profitons d’un moment avec d’autres randonneurs.
12 août - Jour 8
refuge des Souffles - col de la Vaurze - Désert-en-Valjouffrey - col de Côte-Belle - Valsenestre
Une Belle côte
20 km, D+ 1800m, D- 2400m
Départ à la frontale vers 5h30. La montée en direction du col de la Vaurze ( 2500m) est magnifique, nous sommes seuls au monde. La nature est restée intacte et sauvage.
Après une longue descente où les genoux ont été mis à rudes épreuves, nous arrivons vers 10h au Désert-en-Valljoufferey. Nous avons le sentiment d’arriver dans une vallée secrète; la randonnée est bien la clé idéale pour y entrer. Le Désert, hameau incroyablement authentique, compte trois structures d’hébergement, un café-restaurant ouvert à l’année, et des éleveurs de brebis, chèvres et vaches. Certains font de la transformation fromagère.
Le temps d’un court passage dans le hameau et nous attaquons la montée du col de Côte-Belle. C’est impressionnant de voir par endroit la quantité de neige qu’il reste due aux avalanches de l’hiver. Cela forme par endroit d’immenses ponts. La montée sous la chaleur nous semble interminable sur les 300 derniers mètres de dénivelé. Nous pensons à la charcuterie et le fromage dans le sac ( c’est drôle comme des petits plaisirs peuvent vite devenir une obsession). Nous y sommes enfin! la vue porte sur le massif de l’Arcanier, la Roche de la Muzelle et les autres sommets et glaciers du cirque de Valsenestre. Nous restons là une heure, le temps de nous restaurer, avant de continuer vers Valsenestre. La descente nous offre encore un beau spectacle avec ses orgues; c’est l’occasion pour Quentin de réviser sa géologie. On peut y voir des blocs basculés de sédimentation variée et deviner les resserrements apparus au moment de la compression alpine, de façon particulière et spectaculaire.
Il n’est pas plus tard que 17h lorsque nous arrivons au hameau, lieu de vie permanent jusqu’en 1958. Valsenestre se trouve isolé du reste du monde en hiver; il n’abrite plus aujourd’hui que des maisons, uniquement habitées à la belle saison.
On installe sans tarder notre tente sur l’aire de bivouac prévue pour les randonneurs à l’orée de la forêt.
Cela fait 8 jours que nous marchons. Nous nous sentons relativement en forme par rapport aux journées cumulées. Demain la journée s’annonce être la plus audacieuse de notre périple avec le col de la Muzelle, le col du Vallon et la descente en direction de Bourg d’Oisans.
13 août - Jour 9
Valsenestre - Bourg d’Oisans
Une dernière étape raccourcie
Départ 5h30 sous un ciel étoilé, en direction du col de la Muzelle. Vue d’ici, il est difficile d’imaginer qu’il y ait un sentier là-dedans; c’est très impressionnant car nous avons une véritable muraille face à nous. Cela renforce notre empressement pour ce col observé longuement hier depuis Belle-Côte.
Hélas, une demi-heure de marche plus tard nous voilà pris sous un orage que jamais nous n’aurions présagé ( la météo annonçait l’orage pour 17h). Cette fois-ci, il faut faire demi-tour, la foudre a frappé juste à côté. C’est peu rassurant. Nous retournons en courant nous abriter au village. Sous un abri, nous analysons la situation assez vite en nous mettant d’accord sur le fait qu’il fallait rejoindre Bourg d’Oisans en stop. La décision a été difficile mais nous n’avions plus de provisions pour rester une journée supplémentaire. Mauvais calcul de notre part, nous ne nous sommes pas suffisamment ravitailler au dernier point à la Chapelle l’avant-veille pensant qu’à Valsenestre ce serait possible.
Finalement, le retour en stop se fait en trois fois avec un berger, une accompagnatrice en montagne et un professeur de snowboard. Tous les trois habitent cette vallée. Ils nous ont raconté comment ils arrivaient à vivre de leur passion au milieu de cette montagne sauvage et le sentiment partagé que leur vallée mériterait d’être plus connue. Un moment inattendu mais fort agréable pour boucler notre tour de l’Oisans et des Écrins.